DOSSIER DE PRESSE : LE SENS DES CHOSES le 28 mars en exclusivité sur Max…

1742838947_88d9876e335a73a82bae9eb68efd9d4d-m.jpg


Nouvelle production originale Max France adaptée du livre de Delphine Horvilleur « Vivre avec nos morts », la série « Le Sens des Choses » sera diffusée en exclusivité sur la plateforme dès le 28 mars.

 

On retrouve au casting de cette dramédie en 8 épisodes de 30 minutes Elsa Guedj (Léa), Éric Elmosnino (André) Solal Bouloudnine (Joël), Noémie Lvovsky (Perle),  Anouk Grinberg (Laurence), Manu Payet (Ilan), Suzy Bemba (Suzanne) et Lionel Dray (Arié).

 

Synopsis : Léa, 28 ans, décide de devenir l’une des rares femmes rabbins de France et tente de trouver les réponses aux petites et grandes questions de la vie.
Entre les demandes parfois improbables, la cohabitation avec un père résolument athée et une vie sentimentale en chantier, Léa jongle entre sa fonction et ses doutes personnels.
Comment être un guide pour les autres quand on est soi-même en quête de sens ? Naviguant entre humour, drame et tendresse, LE SENS DES CHOSES porte sur les liens indomptables qui nous unissent et les questions universelles qui nous habitent tous.

 

Une série réalisée par Keren BEN RAFAEL, créée par Noé DEBRÉ et Benjamin CHARBIT et écrite par Noé DEBRÉ, Benjamin CHARBIT, Elsa MANÉ et Julien SIBONY, librement adaptée de l’ouvrage « VIVRE AVEC NOS MORTS » de Delphine HORVILLEUR © Editions Grasset et Fasquelle 2021, produit par FEDERATION STUDIO France et FEDERATION STUDIO PREMIUM (Lionel UZAN et Gabriel DANG)

 

Les créateurs :

Noé Debré, créateur de « Parlement », « La Meilleure version de moi-même » « Zorro » et lauréat de la Palme d’Or (Dheepan).

Benjamin Charbit, créateur de « Zorro » co-auteur de « BAC Nord », « En Liberté ! » « Sous Contrôle » et « Les Sauvages ».

Réalisatrice : Keren Ben Rafael, acclamée pour ses longs-métrages « À cœur battant » et « Vierges ».

 

NOS PERSONNAGES

Léa/ Elsa Guedj

À 28 ans, Léa est devenue l’une des très rares femmes rabbins de France, malgré l’hostilité affichée d’un père psychanalyste et farouchement laïque ! Et si elle est déterminée à venir en aide aux autres, elle ne cesse de se questionner sur sa vie personnelle. Parviendra-t-elle à quitter le domicile familial et à mettre – un peu – d’ordre dans sa vie sentimentale ?

 

André/ Éric Elmosnino

Psychanalyste revendiquant sa laïcité comme un étendard, Éric ne supporte pas que Léa ait décidé de devenir rabbine – et il ne perd jamais une occasion de lui faire une remarque désobligeante ou narquoise. Et il est d’autant plus cinglant à l’égard de sa fille qu’il l’aime profondément. En revanche, il n’assume pas du tout sa liaison avec Laurence qu’il cache à ses deux enfants…

 

Ilan / Manu Payet

Président de la communauté juive de Strasbourg, Ilan est un homme truculent et généreux qui n’hésite pas à financer la synagogue libérale où officie Léa. Lorsque son fils refuse catégoriquement de faire sa bar-mitsvah, Ilan, totalement abattu, consulte Léa dans l’espoir qu’elle puisse trouver les mots pour renverser la situation. Ce n’est pas gagné …

 

Perle/ Noémie Lvovsky

Employée de la synagogue, Perle est une femme solaire qui accompagne Léa dans sa mission. Toujours disponible et souriante, elle ne ménage pas ses efforts pour que la synagogue soit un lieu accueillant. Et elle ne semble pas non plus insensible au charme discret d’André…

 

Joël/ Solal Bouloudnine

Comme souvent dans les fratries, Joël est aux antipodes de sa sœur Léa ! Aussi fanfaron qu’elle est peu sûre d’elle, Joël est un dragueur compulsif et un rien « glandeur », même s’il joue souvent au type débordé. Pour autant, sous ses airs de grande gueule, Joël est un cœur tendre sur qui sa sœur peut se reposer dans les moments difficiles…

 

Laurence/ Anouk Grinberg

Femme indépendante, Laurence entretient une liaison avec André depuis plusieurs années, mais elle supporte de plus en plus mal de vivre sa relation dans la clandestinité. Elle mettra André au pied du mur pour l’obliger à sortir de sa zone de confort…

 

Arié /Lionel Dray

Rabbin traditionnaliste, Arié a formé Léa, même s’il ne partage pas sa vision du judaïsme. Pourtant, il est toujours ouvert au débat avec son ancienne élève pour laquelle il conserve même une grande affection. Ne va-t-il pas jusqu’à lui dire « les rabbins pleins de certitudes, c’est pas ça qui manque… » ?

 

LES GENS QUI DOUTENT

Comment trouver l’équilibre quand on a grandi avec un père psychanalyste qui a fait du doute une philosophie de vie, et qui, au passage, n’hésite jamais à remettre en question vos choix ? C’est le défi de Léa, 28 ans, qui s’apprête à prendre de nouvelles fonctions : elle devient rabbin. Une belle promotion… sauf que guider les autres sur le chemin du sens quand on se pose soi-même mille questions, cela n’a rien d’évident ! Entre un père perpétuellement sceptique, un frère un peu trop immature et une vie sentimentale en dents de scie, Léa peine à trouver sa propre boussole. Peut-elle s’autoriser à mettre un peu de stabilité dans sa vie sentimentale alors qu’elle n’a pas confiance en elle et qu’elle redoute de faire fuir les garçons en leur révélant sa profession ? Et surtout, comment apporter du réconfort aux autres quand on s’interroge constamment sur sa propre valeur ?

Mais Léa a un talent rare : celui de poser les bonnes questions sans jamais imposer de réponses. Au fil des huit épisodes, elle va se confronter à une galerie de personnages hauts en couleur : un père en plein dilemme sur la circoncision de son fils, un adolescent réfractaire à sa bar-mitsvah, un sexagénaire désemparé face à l’enterrement de sa mère, ou encore un futur marié pris de doutes de dernière minute. Avec son sens aigu du dialogue et une touche d’ironie, Léa jongle entre convictions et hésitations, tentant d’apporter aux autres ce qu’elle-même cherche encore.

Avec un humour tendre et un regard vif sur les questionnements de la vie, la série nous embarque dans un tourbillon de situations tantôt cocasses, tantôt émouvantes. Autour de Léa gravitent des personnages attachants, souvent perdus mais toujours profondément humains, incarnés par une distribution éclatante : Elsa Guedj, lumineuse dans le rôle principal, Éric Elmosnino, génial en père sarcastique, Manu Payet truculent et Noémie Lvovsky bouleversante. Le Sens des choses, c’est une comédie pétillante où le doute devient une force, une série qui célèbre avec jubilation ceux qui cherchent plus qu’ils n’affirment. Comme le chante Anne Sylvestre à la fin de la série, et comme semblent si bien le reprendre à leur compte les auteurs de Le Sens des choses, « J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer, j’aime ceux qui paniquent, ceux qui ne sont pas logiques, enfin, pas ‘comme il faut’, j’aime les gens qui doutent mais voudraient qu’on leur foute la paix de temps en temps. 

 

ENTRETIEN AVEC ELSA GUEDJ

 

Qu’est-ce qui vous a intéressée dans le projet de Noé Debré ?

Avant tout, je trouvais enthousiasmante l’idée de jouer une jeune rabbine débutante dans un projet qui est aussi une comédie, d’autant que c’est quelque chose que je n’avais encore jamais vu ni dans un film, ni dans une série. Le scénario était extrêmement bien écrit et dialogué – et très drôle ! Je connaissais un peu Noé, dont j’avais vu le film, j’avais confiance en lui et j’aimais bien son univers que je trouve fin, intelligent, original.

 

Connaissiez-vous le livre de Delphine Horvilleur ?

Je l’ai lu juste au moment des essais pour le projet. J’ai adoré ! Je trouvais très fort qu’elle ait pu écrire sur la mort avec une telle vitalité.

 

Léa est une jeune femme aussi déterminée dans sa vocation qu’en proie au doute… Comment l’avez-vous abordée ?

C’est justement le fait qu’elle se pose beaucoup de questions et qu’elle ne soit pas sûre d’elle qui en fait un personnage complexe et d’une grande richesse. Au départ, je craignais qu’elle soit perçue comme un peu trop fragile et qu’elle ne s’assume pas avec suffisamment de force. Mais j’en ai parlé avec Noé et j’ai compris qu’en réalité elle avait choisi son métier contre l’avis de sa famille et que c’était un choix qui demandait beaucoup de détermination, surtout dans un milieu très majoritairement masculin. Malgré ses doutes, elle fait donc preuve de pas mal d’aplomb !

 

À votre avis, pourquoi décide-t-elle de devenir rabbin ?

Pour moi, depuis le début, c’est un choix qui relève de la quête de sens. J’imagine que Léa est quelqu’un qui a besoin de trouver du sens aux choses et qu’elle y parvient en devenant rabbine. Car au fond, le sens des choses, c’est ce qui nous résiste. J’ai pensé à la série Transparent, que j’ai revue pendant la prépa, dans laquelle l’une des filles de la famille se questionne beaucoup et passe par plusieurs étapes – l’étude des gender studies, l’exploration de la sexualité – avant de devenir rabbine. J’ai associé ce personnage à celui que j’incarne en me disant que la quête de sens de Léa aurait pu passer par autre chose, mais qu’elle a trouvé cette issue : devenir rabbine.

 

Comment vous êtes-vous préparée au rôle ?

J’ai rencontré Delphine Horvilleur et je suis allée la voir officier. Mais assez vite, je me suis rendu compte que Delphine est une femme extrêmement charismatique, qui dégage quelque chose de très assumé, ce qui n’est pas du tout le cas de mon personnage. En revanche, je me suis davantage inspirée d’elle dans son état d’esprit, son rapport aux textes, aux mots, à sa façon d’articuler une pensée.

J’ai aussi bénéficié des conseils d’une coach, Faustine Sigal, avec qui j’ai beaucoup travaillé. Au départ, je lui posais des questions sur des éléments que j’ignorais, puis on a étudié des textes, et elle m’a fait une formation rabbinique accélérée ! Comme je ne parle pas hébreu, elle m’a aidée pour la prononciation de certains mots, même s’il y a peu de moments liturgiques.

 

Est-elle vraiment convaincue de devoir rester chez son père parce qu’il ne peut, selon elle, vivre seul ?

Je crois qu’elle n’a sans doute pas trop envie de se retrouver toute seule. Je me reconnais assez dans le fait que la famille est une glue dont on essaie toujours de se sortir, mais dont au bout du compte on n’arrive pas à se détacher.

 

Elle souffre de ne pas avoir son approbation, de le décevoir…

Oui, même si je trouve que l’obsession du père en la matière montre bien qu’ils sont fusionnels et extrêmement proches. La scène où André, très préoccupé, parle à Joël du choix de Léa, en lui demandant si, à son avis, cela va lui passer montre bien que sa fille reste sa petite préférée. D’ailleurs, Joël est déçu, à ce moment-là, de ne pas avoir eu de vraie conversation avec son père. C’est ce qui m’intéresse dans la relation entre Léa et André – cette complicité entre eux qui dépasse le conflit père-fille.

 

Elle n’a pas beaucoup de chance en amour.

Elle croise deux hommes indisponibles et un troisième qui est un red flag ! En effet, elle vit une sorte d’histoire d’amour platonique avec Arie qui est assez belle car ils sont très complices. Quant au jeune marié, c’est un très mauvais plan ! Et avec Luc, elle aurait pu vivre quelque chose de fort, mais il fait une sortie de route ! (rires)

 

Pour revenir à ses rapports avec Arie, ils sont complexes, entre rivalité, admiration réciproque, et affection…

J’adore cette relation et c’était génial à tourner. Ils ont une vraie connivence intellectuelle. Dans le scénario, j’avais souligné cette phrase marquante qu’il lui dit : « les rabbins pleins de certitude, ce n’est pas ça qui manque. » C’est Arie qui lui donne la clé pour savoir comment devenir une bonne rabbine, pour trouver son style, et c’est grâce à lui que sa faiblesse va devenir sa force. Ce moment où il vient la voir dans sa chambre, c’est comme si un vieux sage venait lui rendre visite et lui confiait une prophétie. C’est très beau.

 

Qu’avez-vous pensé de vos partenaires ?

C’était une expérience assez nouvelle car je n’avais pas eu l’opportunité de jouer un personnage qui dialogue avec tous les autres. Dans la série, il y a une variété de styles et d’univers de jeu, entre Éric Elmosnino, Solal Bouloudnine, Noémie Lvovsky, Manu Payet, et Lionel Dray. Ils ont tous des énergies très différentes et c’est ce qui donne sa dynamique à la série. Cela nous demandait d’être adaptables parce que mon personnage est souvent en écoute : c’est un personnage qui est en réaction à ce qui se passe, ce qui nécessitait que je rebondisse sur les propositions de mes partenaires. Ce n’était pas moi qui impulsais une énergie dans la scène, mais c’était un processus davantage réactif et c’était nouveau pour moi.

 

Comment la réalisatrice dirigeait-elle les acteurs ?

Elle s’est emparée de l’univers de la série de manière personnelle. Je la trouve très inspirée, très en recherche, avec beaucoup d’intuition. C’est, à mon sens, une formidable démarche artistique.

 

ENTRETIEN AVEC ERIC ELMOSNINO

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à cette série ?

Au départ, sans avoir encore lu le scénario, j’étais dans de bonnes dispositions parce que je connaissais les auteurs : ils avaient écrit Zorro dans lequel j’ai joué. Ensuite, j’ai trouvé le projet très bien écrit et le personnage du père m’a convaincu qu’il y avait une partition intéressante à jouer.

 

Comment avez-vous abordé votre personnage qui oscille entre mélancolie et cynisme ?

Il est effectivement dépeint comme cela dans le scénario et je ne pense pas avoir apporté cette inflexion au personnage. Ce qui m’a plu, c’est qu’on a pu travailler en amont avec Elsa [Guedj], à travers des lectures, et il y a eu une connexion de jeu évidente et jouissive entre nous. On ne construit pas un personnage seul, mais avec les partenaires avec qui on est censé jouer et échanger – et on a réussi à inventer cette famille avec Elsa et Solal [Bouloudnine]. On riait beaucoup de ce père qui passe son temps à gueuler, et ils se moquaient de moi en permanence ! (rires) Bref, on s’est inventé notre histoire sous le regard de Keren [Ben Rafael], la réalisatrice. 

 

Votre personnage, au fond, exerce un métier qui n’est pas si éloigné de celui de sa fille…

C’est vrai, même si André n’obéit pas à un dogme, à une loi ou à une règle. Mais il est censé donner du sens aux gens, les aider à comprendre le monde et à vivre. En cela, ils se rejoignent en effet.

 

Pourquoi est-il aussi moqueur et narquois à l’égard de sa fille ?

Je ne sais pas exactement ce que le choix de sa fille vient violenter chez lui. Mais sa réaction me semblait assez juste dans leur rapport de père à fille. J’aimais bien cette relation dans laquelle je pouvais aussi glisser quelque chose d’assez tendre.

En réalité, ce sont des questions que je me pose maintenant, mais pas sur le plateau : soit je comprends le personnage intimement et intuitivement et je ne l’analyse pas, soit il m’échappe. Mais à la réflexion, je me dis que c’est comme un pied de nez du destin que sa fille soit aussi impliquée dans la religion.

 

À votre avis, qu’est-ce qui l’empêche de présenter son amie à ses enfants ?

Comme souvent dans les familles, il devient un peu l’enfant de ses enfants en se mettant à la place de l’adolescent. Je trouvais cela assez drôle ! Je le comprends, mais je me demande si en présentant Laurence à ses enfants, il ne lui donnerait pas une existence « officielle. » Tant qu’elle est cachée, il n’est pas sûr qu’elle existe, ce qui le rassure sans doute, même si les enfants d’André n’ont plus l’âge qu’on leur cache quoi que ce soit. D’où le fait que Laurence, jouée par Anouk Grinberg, le vive aussi mal – et on peut la comprendre.

 

Quel est le rapport d’André à la religion ?

Il vient d’une famille qui a sans doute eu la foi à un moment donné, qui a eu des espérances, puis qui a considéré que c’était totalement absurde : leur vie s’est fracassée contre Auschwitz et ils ont cessé de croire en l’existence de Dieu. Comme ces gens qui ont cru à un engagement politique à 20 ans et à un espoir de changer le monde, puis qui, à 50 ou 60 ans, se rendent compte que c’est dérisoire et qui finissent par devenir cyniques.

 

La disparition de sa mère est un véritable catalyseur pour André.

Je trouve ce moment très beau. Il n’arrivait pas à exprimer ses émotions et à parler à sa mère, ce qui ne veut pas dire qu’il n’éprouvait pas de sentiments. Chez lui, c’est visiblement la mort de sa mère qui provoque cette libération de la parole : cette fois, il est temps de formuler ce qu’il ressent – il faut que ça sorte et ça fait du bien. Je trouve cela assez touchant. Il se tourne alors vers sa fille en lui demandant si elle a envie de dire quelques mots à l’enterrement : ce sont ces moments qui font toute la délicatesse de la série.

 

Que pense-t-il de son fils ?

J’ai le sentiment qu’il a baissé les bras vis-à-vis de lui.  Comme Joël passe son temps à faire l’idiot, à un moment donné, il lui dit sans ménagement « toi, de toute façon, tu t’en fous de tout, rien ne t’importe » Cela me fait penser à ces gens qui ne disent pas grand-chose et qui, tout à coup, vous balancent une phrase qui provoque comme un électrochoc. Cela peut aussi venir d’un prof ou de quelqu’un qui a plus d’expérience que soi, et qui, avec une simple phrase, déclenche une prise de conscience.

 

Qu’avez-vous pensé de vos partenaires ?

J’étais enchanté de retrouver Anouk avec qui j’avais tourné un téléfilm de Bernard Stora il y a une vingtaine d’années. Pour la série, on n’avait que deux ou trois jours de tournage ensemble, mais c’était comme si je retrouvais quelqu’un qu’on a aimé il y a longtemps et qu’on continue d’aimer.

Avec Elsa, c’était extrêmement simple. Il y a des gens, comme elle, avec qui on est sur le même mode de jeu. Cela ne se force pas. Même si dans le travail elle était très concentrée et proche de Keren, au moment du jeu, on était sur la même longueur d’ondes. Il y avait aussi une tendresse dans son regard qui m’a beaucoup aidé à jouer son père.

Avec Solal, qui était souvent en roue libre, j’étais spectateur et client de sa fantaisie !

Quant à Manu Payet, c’était très difficile de ne pas exploser de rire. Vers la fin, sur le canapé, j’étais obligé de me mordre les joues tellement il faisait l’idiot ! (rires)

 

Et Keren, la réalisatrice ?

Elle ne lâche rien. Elle partait de ce qu’on faisait dans les premières prises de manière instinctive et puis elle nous emmenait un peu loin – ou un peu moins –, et avec de petites touches, elle nous demandait d’arriver là où elle pensait qu’il fallait aller. On travaillait beaucoup, les choses ne se faisaient pas d’un coup, mais comme c’était comme si on polissait la pierre pour s’approcher de ce qu’elle voulait. C’était jubilatoire.

 

ENTRETIEN AVEC NOÉ DEBRÉ

 

Comment êtes-vous parti du livre de Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts, pour vous en éloigner progressivement ?

Les producteurs avaient pris les droits de ce livre qui, à chaque chapitre, raconte un enterrement où Delphine Horvilleur a officié, retrace les difficultés qu’elle a rencontrées et comment elle s’en est tirée. C’est un texte très émouvant. Après avoir fait un tour d’horizon de plusieurs scénaristes, les producteurs ont sollicité Benjamin Charbit, mon camarade, et il leur a répondu qu’il ne pensait pas pertinent d’adapter fidèlement le livre : si on consacrait chaque épisode à un enterrement, on risquait d’aboutir à un résultat répétitif, d’autant que cela avait déjà été fait avec Six Feet Under. Benjamin m’en a ensuite parlé et on s’est dit qu’on voulait faire une série, découpée en épisodes de 30 minutes, autour de la vie quotidienne d’une rabbine. Il s’agissait donc moins d’adapter le livre que de dialoguer avec Delphine Horvilleur et de s’inspirer de ses réflexions.

 

À quel moment la fiction s’est-elle emparée du matériau de départ ?

Une fois qu’on a posé ce postulat, on a invité Delphine à déjeuner pour qu’elle nous raconte tous azimuts son métier, les situations qu’elle rencontre, etc. On a donc mené un premier travail documentaire et, à partir de là, on s’est dit qu’on pouvait construire la série en s’inspirant d’Au tribunal de mon père, le livre d’Isaac Bashevis Singer, qui raconte comment son père, rabbin, tentait de régler les problèmes quotidiens des membres de sa communauté. C’est ainsi qu’à chaque épisode, des personnages sollicitent la rabbine pour lui parler d’un problème bien particulier. On imaginait ce qui pouvait se passer par la suite, on en faisait part à Delphine et, souvent, elle nous disait qu’il lui était arrivé une situation pas si éloignée de ce qu’on avait écrit. Par conséquent, la série est constamment en dialogue entre fiction et documentation.

 

Comment se sont esquissés les personnages qui entourent Léa ?

Un point sur lequel on s’est tout de suite mis d’accord, c’est qu’on ne voulait surtout pas faire une série prosélyte en affirmant que le salut est dans la religion. Bien au contraire, on voulait que la série parle du doute, qu’elle sécrète sa propre critique. Il nous fallait donc un personnage qui critique le magistère de Léa et, naturellement, on s’est dit qu’il pouvait s’agir de son père, psychanalyste, agnostique, voire athée. La figure du psy est formidable parce qu’elle entretient un rapport au texte et au langage et qu’elle a, paraît-il, une lointaine parenté avec la pratique talmudique. C’est donc un terrain d’affrontement très fructueux. Il y avait aussi le personnage du frère, aux antipodes de Léa, car là où celle-ci est constamment en quête de sens, lui fuit le sens. Il y a ensuite le président de la communauté, incarné par Manu Payet, et Arie, le rabbin traditionnaliste, qui apportent la contradiction à notre rabbine. On a donc construit un réseau de personnages autour de Léa qui l’empêchent de pontifier.

 

Ensuite, il y a toute une galaxie de personnages qui apparaissent à chaque épisode avec leurs inquiétudes et leurs problèmes et qui viennent à la rencontre de Léa. Très vite, on a compris que la série devait marcher sur ces deux jambes : les cas de la semaine, d’un côté, et la famille de Léa, de l’autre. Avec l’idée que nul n’est prophète en sa famille : toute l’autorité rabbinique qui est la sienne disparaît dès qu’elle est en famille, autour d’un repas, et qu’elle est remise en cause.

 

 

Bien qu’elle soit déterminée à suivre sa voie, Léa est une jeune femme qui se questionne beaucoup. 

Ce qui était passionnant, et qui fait que Le Sens des choses reste une adaptation, même libre, c’est que la pensée développée à l’intérieur de la série demeure la pensée de Delphine Horvilleur. Effectivement, c’est un judaïsme qui doute, très dialectique, et c’est quelque chose de très présent dans la tradition juive.

 

De même, André, son père, en tant que psychanalyste, mais aussi dans sa vie privée, a placé le doute au centre de sa vie – et jusqu’au bout il ne sait pas s’il doit présenter son amie à ses enfants…

C’est une dimension qu’a beaucoup apportée Éric Elmosnino : le texte était là, mais le ressenti qu’on a en le voyant est décuplé. Car il arrive à passer d’un détachement absolu et narquois à une fragilité totale et à une forme de grande vulnérabilité. Éric balance de l’un à l’autre en permanence. Cela a considérablement enrichi le personnage.

 

Pourquoi est-il aussi sarcastique et moqueur à l’égard des choix de sa fille ?

C’est générationnel. André appartient à une génération, celle des enfants des survivants de la Shoah, qui est aussi la génération de l’émancipation de la deuxième moitié du XXème siècle, et il éprouve un rejet des structures religieuses. Dieu a fait la preuve de son absence – inutile de revenir là-dessus. D’ailleurs toute la série – comme la pensée de Delphine Horvilleur – peut se résumer à cette question : « Qu’est-ce qu’on fait de Dieu ? » car, a minima, il n’agit pas dans le monde. C’est la grande question du judaïsme contemporain et c’est cette question autour de laquelle André et Léa ne cessent d’échanger sous différentes formes.

 

Entre le père, sa fille et son fils, sympathique fanfaron un rien glandeur, vous composez une famille joyeusement dysfonctionnelle et néanmoins touchante. Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Je suis très féru de cinéma italien et c’est toujours présent dans mon esprit quand j’écris. Mais en l’occurrence, une autre inspiration est venue assez tôt grâce à un article de Jacques Mandelbaum, dans Le Monde, qui disait que quelques grands auteurs américains, comme Steven Spielberg, avec The Fabelmans, et James Gray, avec Armageddon Time, avaient signé leur film de jeunesse récemment et étaient revenus sur la manière dont le judaïsme avait traversé leur enfance. Mandelbaum citait un autre film, Life during Wartime de Todd Solondz, en expliquant que celui-ci avait capté quelque chose de la crise du judaïsme américain. En le revoyant, je me suis rendu compte en effet qu’il s’interrogeait avec acuité sur les conditions de vie bourgeoise – un quotidien marqué par le désespoir existentiel de la classe moyenne et le judaïsme qui s’y superpose. D’autres films m’ont beaucoup nourri comme A Serious Man des frères Coen, le cinéma de Woody Allen, Shiva Baby d’Emma Seligman, qui nous a pas mal inspirés dans la forme, et Les Berkman se séparent de Noah Baumbach. Mais la grande singularité de la série, c’est que, contrairement à tous ces films, elle pose la question de savoir « à quoi sert la religion ? », qui se distingue vraiment de « qu’est-ce qu’être juif aujourd’hui ? »

 

Les épisodes semblent rythmés par plusieurs grands moments de la vie de l’être humain à travers le prisme du judaïsme, ou encore par des événements marquants comme le virage d’un jeune homme vers l’orthodoxie ou la conversion d’une jeune femme. Pourquoi ?

On a déterminé très progressivement ce qui allait constituer la matière même de la série. Ce qui nous intéresse, c’est à quoi sert la religion, à quoi servent les rites, quel est leur sens, est-ce qu’ils nous aident, ou pas. On voulait aussi montrer que ces pratiques et ces rites se traduisent par des gestes qui sont très récurrents dans la série. La rabbine est l’instrument du rite, elle n’est pas une psychologue de couple ! On revenait régulièrement à cette idée en se disant qu’on ne faisait pas En thérapie ! (rires)

 

Entre Léa et Arie, le rabbin plus traditionnaliste, vous évoquez la tension entre modernité, ouverture, et tradition.

Cette tension nous intéresse beaucoup. On espère qu’elle raconte quelque chose de plus universel sur notre époque car le désir d’orthodoxie est présent partout : il se manifeste chez les juifs, mais dans d’autres religions aussi, et pas seulement dans la religion, mais dans tous les aspects de la vie. On voulait mettre face à Léa un rabbin audible et intéressant, qui développe des arguments convaincants. La série ne cherche donc pas à trancher entre les deux, mais à confronter les points de vue et à marquer les espaces de compromis ou pas.

 

Vous citez directement Delphine Horvilleur grâce à une habile mise en abîme dans l’épisode du mariage.

Il fallait que Delphine soit présente dans la série et bien manifester que ce n’est pas un biopic et que Léa n’est pas Delphine. Avec Delphine, il y a un côté « vedette » avec lequel on avait envie de s’amuser.

 

La série parle aussi, avec drôlerie et acuité, du syndrome « Tanguy » –  de ces jeunes adultes qui ont du mal à quitter le nid parental…

Progressivement, en écrivant la série, on a pris conscience qu’elle parle essentiellement des rapports entre les générations. C’est une première saison qui s’intéresse à ce que nos parents nous transmettent, à ce qu’on rejette et à ce qu’on intègre sans le savoir, à la manière dont on se construit, pour ou contre. C’est présent dans la trajectoire de Léa et dans les histoires qu’on lui apporte. C’est aussi lié à la place de la psychanalyse dans l’univers mental de la série. Ce qui nous amuse, c’est que Léa reste chez son père en se convaincant qu’il a besoin d’elle !

 

Plusieurs scènes sont irrésistibles – le mariage, les rendez-vous entre les deux rabbins dans le magasin d’articles de chasse, les rencontres amoureuses de Léa, etc. Qu’est-ce qui inspire l’humour de la série, où la gravité affleure constamment ?

C’est vraiment une série sur la rupture de ton. Quand on parle des épisodes de manière plus théorique, en se demandant ce qui va se passer, il y a un clic qui doit se faire dans la tête : telle situation doit être totalement sinistre, ou au contraire, elle peut être très drôle en fonction de la manière dont les personnages la commentent. Pour l’humour, nous avions en tête Larry et son nombril (Curb Your Enthusiasm) de Larry David, qui génère des ironies de situation en permanence : Larry se retrouve face à des choix impossibles et il les gère de manière très mesquine à chaque fois. Il y a une façon de ne pas être à la hauteur des situations qui est très drôle, et moins le personnage est à la hauteur, plus la situation est grave, et plus c’est drôle. De fait, la série s’appuie sur deux piliers : à la fois la solennité dans les émotions, et en même temps, des ruptures comiques et des complications progressives avec de l’absurde qui vient tempérer la gravité. En réalité, c’est une musique qu’on joue très naturellement.

 

Comment s’est composé le casting ?

Je suis convaincu qu’une série comique composée d’épisodes de 30 minutes, c’est une petite troupe de théâtre qu’on forme et que la qualité de la série tient à 75% aux acteurs et à ce qui se passe entre eux. Quand on engage des acteurs qui incarnent les personnages avec naturel et subtilité, le tour est joué. C’est pour moi beaucoup plus important que les textes. Alors qu’on dit souvent que la télévision est le médium du texte, je suis convaincu que c’est la troupe qui fait la série.

On a eu la chance de rassembler des acteurs qui nous inspirent. Je l’avais vécu avec Parlement qui repose essentiellement sur Xavier Lacaille, un acteur qui a une vraie densité. Il nous fallait la même chose ici et c’est ainsi qu’on a abouti à Léa Guedj : elle a une singularité de ton, une présence à l’image et c’est une excellente comédienne si bien qu’on se dit qu’on peut la suivre pendant six saisons ! On l’a entourée d’acteurs dont plusieurs viennent du théâtre, comme Solal Bouloudnine qui joue son frère, Lionel Dray, qui joue le rabbin orthodoxe, ou même des acteurs moins récurrents qui sont dans une logique de théâtre public qui m’intéresse beaucoup.

 

Vous avez aussi réuni Noémie Lvovsky, Manu Payet et Anouk Grinberg.

C’était une surprise totale que Noémie, qui est une actrice extraordinaire, accepte car Perle est un rôle un peu secondaire. En réalité, je me suis rendu compte qu’elle est venue par amour du projet et parce qu’elle aime beaucoup Keren Ben Rafael, la réalisatrice. Elle a été d’une grande générosité avec nous.

Manu campait le personnage le plus casse-gueule, car c’est le sépharade qui a réussi, qui parle fort, qui est le plus archétypal. Il m’a impressionné parce qu’il a réussi à l’humaniser et à le densifier d’une manière qui n’était pas gagnée d’avance. Je trouvais en plus très drôle que le personnage le plus caricaturalement juif soit joué par quelqu’un qui ne l’est pas ! Il a des amis qui sont assez proches du personnage et il nous a nourris de ses observations.

Quant à Anouk Grinberg, elle nous a éblouis de sa présence et de l’intelligence de son jeu.

Pour moi, c’est le plus grand plaisir à faire une série comme celle-là : on peut solliciter beaucoup de comédiens qu’on aime et les voir venir donner de leur talent et de leur humour.

 

Que souhaitiez-vous pour la musique ?

Elle est à mettre au crédit de Keren, la réalisatrice. J’avais en tête la référence de Punch Drunk Love, de Paul Thomas Anderson, qui est à la fois drôle et dissonante, qui génère beaucoup de confusion et exprime la subjectivité des personnages. Ce que je trouve intéressant dans la musique, c’est la dimension religieuse avec des chœurs, mais aussi avec des ruptures comiques. Elle épouse le ton de la série de ce point de vue. Avec Keren, on était convaincus qu’on ne voulait pas aller vers le style klezmer, et qu’on ne voulait pas non plus être dans le kitsch. On entend donc une partition qui résonne avec cet univers musical, mais sans basculer dans le lieu commun.

 

Pourquoi avez-vous voulu utiliser “Les gens qui doutent” sur la dernière séquence ?

Ce qui m’a frappé à la fin, c’est à quel point la série finit par ressembler à Delphine alors qu’on pensait s’en être un peu éloignés. Quand on a écrit la série, toutes les couches se sont superposées, mais en faisant un pas en arrière, on a constaté qu’elle était très proche émotionnellement et intellectuellement de Delphine. Et pour répondre à votre question, Les gens qui doutent vient de Delphine : c’est sa chanson préférée, tout simplement.

 

 

ENTRETIEN AVEC DELPHINE HORVILLEUR

 

Dans quel contexte avez-vous écrit Vivre avec nos morts ?

Ce livre, qui s’attache à l’accompagnement du deuil, est sorti à l’époque de la pandémie de Covid, à un moment où la mort a surgi dans la vie de beaucoup d’entre nous, où le sentiment d’une vulnérabilité personnelle et collective était palpable. Et dans le même temps, mes proches m’avaient souvent encouragée à parler de mon expérience de rabbin. Mais je ne m’attendais pas du tout à la répercussion du livre et j’ai été bouleversée et fascinée de voir l’effet qu’il a produit sur beaucoup de gens : certains me disent encore aujourd’hui que c’est un objet qui a accompagné leur deuil. On m’a aussi rapporté que dans certaines cérémonies laïques des extraits du livre étaient lus, comme si c’était un ouvrage de liturgie universelle. Je suis heureuse de voir qu’il a pu porter un message universel sur l’accompagnement d’épreuves.

 

Qu’est-ce qu’être rabbin ?

En général, on ne peut pas parler de rabbin sans convoquer Rabbi Jacob et Louis de Funès ! Les gens pensent souvent qu’un rabbin est comme un prêtre, mais pour les juifs. Or il ne s’agit pas d’un sacerdoce : on ne fait vœu de rien, et le titre de rabbin est donné à celui ou celle à qui on reconnaît une érudition des textes. Un rabbin est donc un enseignant du judaïsme dont on reconnaît qu’il a la capacité de transmettre et d’enseigner grâce aux textes. Mais ce n’est pas du tout un intercesseur entre le divin et l’humanité. C’est quelqu’un qui accompagne les autres par le biais d’une érudition.

La série montre bien qu’il existe des rabbins différents, dont certains sont animés par une forme de dogmatisme et d’autres, comme Léa, en prennent le contrepied. Et elle y arrive avec l’outil des rabbins : la force des histoires. Car je crois, plus que tout, en la force des histoires, la force des narrations : je suis convaincue que les histoires accompagnent, font survivre et parfois font guérir. À cet égard, la série est très fidèle à ma pensée car, à chaque épisode, une histoire accompagne les situations que Léa rencontre : un deuil, une tension familiale, une circoncision, un mariage etc. À chaque fois, il faut que Léa trouve l’histoire à raconter. J’ai dit aux scénaristes qu’on fait un peu le même métier : nous sommes des conteurs et nous croyons à la force des récits qui peuvent changer le monde.

 

Au moment de l’écriture, avez-vous imaginé, même de manière lointaine ou fantasmatique, que le livre puisse être transposé à l’écran d’une manière ou d’une autre ?

Depuis Vivre avec nos morts, j’ai écrit un autre livre qui, dans mon esprit, se prêtait à une transposition théâtrale ou audiovisuelle – et qui, d’ailleurs, a été adapté au théâtre. Mais je n’y ai pas du tout pensé avec Vivre avec nos morts car il ne s’agit pas d’un livre de fiction. Toutes les histoires que j’y raconte sont des histoires vraies et il était crucial, à mes yeux, de m’assurer que j’avais l’autorisation de chaque famille dont j’évoquais le deuil. C’était comme un contrat très intime entre ces familles et moi et je n’ai donc pas eu l’idée un seul instant que d’autres s’en emparent.

 

Comment avez-vous réagi lorsque les producteurs vous ont approchée pour acquérir les droits du livre ?

Beaucoup de gens voulaient adapter le livre et Grasset, mon éditeur, a reçu de nombreuses demandes. J’ai fini par choisir Fédération, notamment parce qu’ils me proposaient une interprétation infidèle. C’était difficile pour moi car, encore une fois, les histoires que je raconte sont des histoires vraies – des histoires de vie, des histoires de gens que j’ai accompagnés – et je ne me sentais pas le droit de leur demander l’autorisation d’en faire une fiction. Il était donc important pour moi que ce soit infidèle et que, dans les intentions de départ, ce ne soit pas une « adaptation. » Par ailleurs, ce qui m’a convaincue, c’est que le projet d’adaptation était centré sur deux aspects qui me tenaient à cœur : une place importante accordée à la pensée juive, à la place des textes et à leur interprétation, et une présence constante de l’humour. Même si le livre parle de la mort, l’humour, et particulièrement l’humour juif, est un pilier de résilience dans la vie. C’est presque une valeur religieuse car c’est ce qui « relie » les gens. Le contrat est rempli puisque la série est une comédie et, dans le même temps, il n’y a pas un seul épisode qui ne contienne pas une dose de pensée juive, un élément très fort de l’exégèse des textes.

 

La série raconte le quotidien d’une jeune femme rabbin, de ses doutes, de sa vie amoureuse chaotique, de ses rapports familiaux qui le sont tout autant. Elle s’inspire donc du matériau de départ pour mieux s’en éloigner. Ce parti-pris vous a-t-il plu ?

Ce qui était difficile, et au départ une source d’appréhension, c’est que cette jeune fille n’est absolument pas moi. Elle ne me ressemble pas du tout ! Or l’enjeu, et la complexité, c’est que beaucoup de gens pensent que c’est mon parcours ! On m’a même dit « il paraît qu’il y a un biopic en préparation autour de toi », alors que Léa, la protagoniste, n’a pas du tout ma personnalité. Pendant une bonne partie de la série, elle est peu sûre d’elle-même, elle est assez gauche – ce qui participe de son charme – et elle manque considérablement d’expérience et d’assurance. J’ai été très différente comme jeune rabbin : je surjouais un peu l’assurance, alors que Léa doute en permanence, ce qui est un choix scénaristique à la fois intelligent et charmant. En revanche, la force du Sens des choses, c’est que, même si Léa n’est clairement pas moi, j’ai retrouvé dans la série des éléments de ma propre réflexion.

 

Noé Debré explique qu’il a dialogué avec vous et qu’il s’est inspiré de vos réflexions, en naviguant constamment entre fiction et documentation. Comment avez-vous collaboré avec lui ?

On s’est vus très régulièrement et on a eu des discussions à bâtons rompus sur mon métier et des situations que je vivais. C’était comme une psychanalyse qui m’a obligée à me remettre en question et à réfléchir sur mon métier. De son côté, la réalisatrice est venue assister à des mariages et à des circoncisions où j’officiais. Avec les scénaristes, c’étaient surtout des discussions sur mes doutes de rabbin, de femme, de mère et de la manière dont mon métier dialogue avec ma vie personnelle. Par exemple, on a évoqué mon acceptation – ou pas – par le milieu traditionnaliste et mes propres doutes quand j’accompagne les gens. La scène où Léa se demande si elle va accepter l’incinération rejoint mes propres réflexions, mon propre cheminement, mon rapport à la loi juive. On a aussi parlé de la manière dont ma famille avait accepté mes choix. C’est fascinant de voir ce que les scénaristes en ont fait, de quelle manière le travail de fiction est un mélange de fidélité à la pensée du livre et de prise de liberté. Car il y a des éléments qui rejoignent ma propre trajectoire, qui sont nourris de ma vie, mais bien davantage qui ne le sont pas.

 

L’opposition entre Léa, qui incarne une veine libérale du judaïsme, et Arié, le rabbin orthodoxe, est à la fois éclairante et drôle.

On sent bien que le personnage de Léa représente ce qu’Arié aurait pu être lui-même et qu’il ne s’est pas autorisé à être car il s’est inscrit dans un monde où on attend de lui d’être un rabbin dogmatique. Mais il y a quelque chose chez Léa qui le titille comme une possibilité. S’il y a une deuxième saison, il franchira peut-être le pas !

 

Qu’avez-vous pensé des interprètes ?

Ils avaient tous une formidable partition et je les ai trouvés très forts. Elsa [Guedj], en particulier, est remarquable car elle avait presque le même défi à relever que son personnage : j’ai senti qu’il fallait qu’elle s’impose comme Léa. Elsa a tendance à se mettre en retrait et, dans le même temps, elle a une présence drôle et charismatique. Elle incarne un personnage qui cherche à trouver sa place alors qu’il y a beaucoup de gens qui veulent lui mettre des bâtons dans les roues et refusent d’accepter sa légitimité. C’est le fameux syndrome de l’imposteur : comment arriver à occuper cette fonction quand on se glisse dans un métier essentiellement masculin pendant des siècles ?

 

Il paraît que Les gens qui doutent est votre chanson préférée et c’est elle qui clôt la série…

C’est une chanson que j’ai très souvent utilisée. Je l’ai même traduite en hébreu et je l’ai enregistrée avec Keren Ann à la guitare. Je cite souvent cette chanson parce que je pense que les certitudes sont mortifères et délétères. C’est important à l’intérieur des pensées religieuses de chérir le doute et de se méfier de l’indubitable. J’étais très heureuse que les auteurs l’aient intégrée. Il y a un vrai crescendo dans la série car elle commence dans la légèreté et, à partir du moment où Léa commence à s’imposer et à trouver sa place, il y a une bascule. On le sent particulièrement lorsqu’elle garde le micro face au rabbin orthodoxe lors du débat organisé à la mairie.

 

Quelles sont vos attentes pour la série ?

Je suis très curieuse de voir comment le public va réagir. À travers des éléments de vie rituelle juive, la série pose des questions universelles : la peur de s’engager dans le mariage, la peur que nos enfants ne nous ressemblent pas, la peur des souvenirs du passé qui nous accompagnent. Personnellement, je ne connais pas d’autre série – ou film – qui contienne autant de pensée juive, mais qui s’adresse à un public universel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Source link

À lire également